Vais-je prendre ma carte ?

                            

Le stand de la section du Parti communiste de ma chère ville de Tergnier. J'hésite encore. Où vais-je prendre ma carte? A la section de Tergnier, à celle d'Amiens, à Paris XIe car je possède ma garçonnière boulevard Voltaire? Je lance donc un appel à ses trois sections : j'adhérerai à celle qui me fera la plus grosse ristourne. Avec celle-ci, lectrice, mon amour, je te paierai un nuit d'hôtel dans mes bras torride et nous nous saoulerons dans le meilleur restaurant. Communiste jusqu'au bout des boucles de sa perruque poudrée, le marquis des Dessous chics n'en reste pas moins homme.

Le stand de la section du Parti communiste de ma chère ville de Tergnier. J’hésite encore. Où vais-je prendre ma carte? A la section de Tergnier, à celle d’Amiens, à Paris XIe car je possède ma garçonnière boulevard Voltaire? Je lance donc un appel à ces trois sections : j’adhérerai à celle qui me fera la plus grosse ristourne. Avec celle-ci, lectrice, mon amour, je te paierai un nuit d’hôtel dans mes bras torrides et nous nous saoulerons dans le meilleur restaurant. Communiste jusqu’au bout des boucles de sa perruque poudrée, le marquis des Dessous chics n’en reste pas moins homme.

    Quel plaisir ce fut pour moi de passer deux jours à la Fête de l’Humanité ! J’étais invité à y signer mes livres. J’y retrouvais mes camarades écrivains Jérôme Leroy et Valère Staraselski. On file, Jérôme et moi, au stand de Loire-Atlantique, déguster de délicieuses huîtres. De retour, je salue d’autres écrivains : François Salvaing, Didier Daeninckx. L’ambiance est bonne. Fraternelle. Comme j’ai oublié mon Zippo chez moi, je demande du feu à un adorable petit couple d’adolescents. Le garçon me donne son briquet. « J’en ai un autre ! », me dit-il. C’est un beau geste, je trouve. Tu sais lectrice, avec l’âge, je deviens sensible, surtout dans ce monde capitaliste de brutes. J’ai pris soin de venir en train à Le Courneuve. En train, comme en septembre 1972, quand  nous avions pris le train en gare de Tergnier, Fabert, Déchappe, le Colonel, Pigaux, et quelques autres copains. On avait vu les Who en concert. C’était fantastique. Je suis allé voir sur Youtube. J’ai tapé « Who Fête de l’Humanité 1972 ». Suis tombé sur une interview de Daltrey. Derrière lui, Keith Moon fait le singe en tétant une cannette. Puis, ils bondissent sur scène et assènent « Summertime blues ». Divin. Je m’en suis souvenu comme si c’était hier. Il y a des images de la foule. Je regarde si, par hasard, je ne reconnais pas mes copains ternois et moi. 1972-2014. Même ambiance fraternelle. Sauf qu’en ces débuts de seventies, ça sentait un peu plus la colombienne et le shit. Mais nous, les Ternois, fils de cheminots, on préférait déjà la bière, le vin. On ne s’en  privait pas. La semaine dernière, je n’ai pas pu résister d’aller saluer les camarades du stand de la section de Tergnier. Tonio servait la bière. J’ai discuté avec Henri, ancien patron du café La Bouteille d’Or, à Fargniers, et avec Francis Heredia, candidat aux dernières municipales à Chauny, que je croisais sur les fêtes du Parti quand je faisais du blues dans des petits groupes de l’Aisne. On parle de la politique actuelle. On est d’accord comme deux frères qui convoiteraient la même fille : la vraie gauche. La Fête de l’Huma 2014. Les deux plus beaux jours de mon année, après ceux passés au creux de tes reins, lectrice, mon amour.

      Il y a quelques jours, j’étais en train de me raser en écoutant France Inter. J’entendais distraitement l’homme de droite qui était interviewé. Un libéral, un ami du monde l’entreprise, très estimé par le Medef. J’aime bien la voix du mec. Le journaliste finit par l’appeler par son nom : Manuel Vals. Je me suis alors demandé si je n’allais pas prendre ma carte du Parti. Compagnon de route, à 58 ans, ça fait un peu ado. Il est temps de passer aux choses sérieuses. Le combat continue.

                                            Dimanche 21 septembre 2014