Le Prix de la page 112 est une distinction littéraire qui ne manque pas d’originalité. Créé par l’éditrice, traductrice et critique littéraire Claire Debru, et dénommé ainsi pour rendre hommage à une réplique de Woody Allen dans Hannah et ses sœurs, il a été remis, il y a quelques jours, au primo-romancier de 70 ans Dominique Rameau pour son roman Sanglier, paru en janvier aux éditions José Corti. Il faisait doux. La soirée était belle; la lumière aussi. Je me suis dirigé vers la gare SNCF pour assister à la remise de cette cinquième édition; elle se déroulait au restaurant Roger la grenouille, 28, rue des Grands-Augustins, dans le XIe arrondissement, à Paris. Je répondais ainsi à l’invitation de mon ami Alain Paucard qui devait, lui aussi, s’y rendre. Et parmi les dix livres sélectionnés se trouvaient ceux de mes copains Jérôme Leroy (pour Un peu tard dans la saison, La Table ronde) et Yann Moix (Terreur, Grasset) avec lesquels je comptais bien trinquer. Jérôme – qui manqua le fameux prix d’une voix: 6 pour Rameau contre 5 pour lui) n’était pas présent; Yann non plus. En revanche, l’ensemble du jury avait fait le déplacement, dont le juré mystère, Bernard Cerquiglini, linguiste éminent, invité par Marcel Bénabou, écrivain et historien, membre de l’Ouvroir de littérature potentielle (OuLiPo). Dominique Rameau s’est vu remettre un chèque de 1200 €, un magnum de Bourgogne et la page 112 de son ouvrage encadrée. Tout cela ne manque pas de panache. Selon les jurés conquis, son roman non plus. Il raconte la vie de Sybille qui, un beau jour, se retrouve dans le Morvan. Elle est seule, paumée, et finit par s’établir dans une maison qui lui a été prêtée. Elle découvrira une nature qui, jusqu’ici, lui était méconnue, et des personnages hauts en couleur. Au cours de la remise du prix, l’ambiance était conviviale et bon enfant. Je discutai avec François Taillandier, croisai Dominique Noguez, m’enthousiasmai avec un ancien collaborateur de notre chère et regrettée revue Immédiatement, si folle, si libre, si impertinente dans laquelle j’écrivais avec un immense plaisir, évoquai quelques souvenirs du Dilettante (éditeur chez lequel nous avions effectué nos premiers pas), avec l’écrivain Bruno Tessarech. Et fis la connaissance de la charmante Claire Debru. Nous trinquâmes fraternellement avec Alain Paucard et avec son pote Francis, talentueux saxophoniste qui a accompagné les plus grands: de Claude Nougaro et Cab Calloway. L’ambiance n’eût pas déplu à Pierre Choderlos de Laclos. Ses Liaisons dangereuses ont justement été lues par Elsa Lepoivre et Denis Podalydès, de la Comédie française, et Marcel Bozonnet, à la Maison de la culture d’Amiens, à l’occasion des 60 ans de la librairie Martelle. Quel bonheur ce fut de (re)découvrir la langue superbe de L
aclos, écrivain exceptionnel! Nombreux furent ceux, ce soir-là, qui se demandèrent pourquoi Amiens, où il est né en 1741, ne lui a jamais rendu un hommage digne de son talent. Mystère.
Dimanche 9 avril 2017.