Lecture pour tous

Roger Wallet : un écrivain dans la lignée de Holder et de Calet.

 Pas un livre pour enfants, ni pour adultes, ni pour vieillards. Un peu tout ça à la fois. Roger Wallet et Nicolas Désiré-Frisque : un duo magnifique.

 Livre pour enfants? Livre pour adolescents? Livre pour adultes? Livre pour vieillards? Un peu tout, mon général. Car c’est un bon livre, et même un excellent livre que nous proposent Roger Wallet et l’illustrateur Nicolas Désiré-Frisque. Et comme tous les bons livres, tout le monde y trouvera son compte.Son conte. La part de merveilleux pour les enfants, la révolte pour les adolescents, la valeur documentaire et l’indéniable qualité littéraire et artistique pour les adultes, et la nostalgie d’un temps qui n’est (malheureusement) plus pour les vieillards. Il y a tout ça dans ce beau livre qu’éditent avec élégance et savoir faire Luc Vidal et les éditions du Petit Véhicule. Que nous conte-il? Une plongée dans l’histoire patrimoniale et ouvrière d’une ville dont on a trop peu parlé: Saint-Maximin, dans l’Oise. Nous sommes en1947. Le bourg a été rasé par les bombardements. Des baraquements ont été installés pour héberger les habitants. Le certificat d’études en poche, Georges entre comme apprenti à la carrière où œuvre son père. Il observe ce métier à la fois dangereux, rude et beau comme un grand fauve. Le grand-père, qui habite dans une maison troglodytique, lui raconte l’histoire des carrières. Les techniques évoluent. Les chevaux sont remplacés par des tracteurs. Deux ans après la Seconde Guerre mondiale, ce sont aussi les grèves, les luttes syndicales. La solidarité fraternelle avec les mineurs du Nord qui combattent, eux aussi. C’est ce qu’on appelle tailler la pierre du progrès social. Et le burin est la lutte. Indispensable et belle. Ce livre est juste et émouvant car il regorge de détails «vrais».Pas d’esbroufe mais l’image ou l’objet précis là où il faut.La bicyclette Hirondelle, la pompe dans la rue, les feuilles de papier journal accrochées à un clou dans les toilettes au fond du jardin. L’Internationale qu’on chante en chœur, la gorge serrée. L’aspect documentaire n’est pas des moindres. Le message politique et social non plus. On tourne les pages sur une France d’avant. Une France ouvrière. Une France où le Parti communiste existait encore. Et que l’extrême-droite ne braillait pas comme aujourd’hui. Où les gens s’engueulaient encore pour des idées. La France que l’on aimait et qu’il faudra patiemment reconstruire quand le capitalisme aura rendu l’âme.

PHILIPPE LACOCHE

«Georges, Le gamin qui rêvait dans les pierres», Nicolas Désiré-Frisque et Roger Wallet, éditions du Petit Véhicule, 106 pages, 18 euros.