Le chanteur a donné des concerts à Beauvais, Margny-lès-Compiègne, Saint-Quentin et Amiens. Il était également de passage dans nos locaux. Nous l’avons rencontré.
Dany Brillant est un chanteur de musique populaire. Mais pas que. Il adore également le jazz, la musique cubaine et la musique orientale. Et, on le sait moins, il est tout autant passionné par la poésie et la littérature. Il s’en explique…
Vous vous êtes produit il y a peu en Picardie. Avec quelle formation ? Quel était votre répertoire ?
Dany Brillant : Après avoir plusieurs gros Zéniths, de grosses salles, je suis revenu à des choses plus modestes. Je propose maintenant des chansons d’amour, tendres ; je joue dans des théâtres, dans des ambiances très musical-hall avec une petite formation. On n’est que cinq ou six musiciens (piano, basse, batterie et un clavier muti-instrumentiste); c’est
plus sensible, plus romantique. Mes shows attirent beaucoup des écoles de danses ; les gens viennent pour danser.
Pop ? Salsa ? Chanson populaire ? Comment définiriez-vous votre musique ?
J’ai du mal à la définir car c’est un mélange, en fait. Moi, mes grandes inspirations, ce sont les crooners. Exemples : ceux qui chantaient à Paris et aux Etats-Unis après la crise de 29. Des chanteurs avec des voix assez douces, un répertoire très orchestral. Ces crooners essayaient d’apporter un peu de réconfort en cette période difficile. Le genre est arrivé en France dans les années quarante. L’apogée, ce fut Dean Martin et Sinatra. Puis les Beatles sont arrivés et le genre est un peu tombé en désuétude. Dans les années quatre-vingt, j’ai eu envie de reprendre ce style-là, de le moderniser pour faire le style des crooners d’aujourd’hui.
Votre oncle était joueur de luth et chanteur de musique orientale. Cette musique orientale vous a-t-elle influencé ?
C’est vrai, vous la sentez, cette influence ?… (N.D.L.R. : Il a l’air à la fois étonné et satisfait.) Dans la façon de chanter, peut-être, car je n’ai pas une façon de chanter sur la mesure. Ce n’est pas très français, la façon dont je chante ; je me balade pas mal. Ca s’appelle du swing ; une façon de ne jamais être sur le temps. C’est un peu compliqué à expliquer ; les gens quand ils applaudissent, ils le font sur le temps. Le swing, c’est ça : à contre-courant, à contretemps. Peut-être aussi que dans la mélopée, dans le lien entre les notes, il y a un côté musique orientale. J’ai grandi en Afrique du Nord…
Adolescent, vous lisiez de la poésie et vous étiez passionné par la philosophie. Est-ce toujours le cas ? Quels sont vos poètes et philosophes préférés ?
J’ai adoré pendant mon apprentissage, les poètes et la littérature ; ce fut un enchantement. J’aimais aussi les idées. C’est pour ça que j’ai écrit des chansons car dans une chanson on peut développer des idées. Ca peut être des idées de légèreté. On n’est pas obligé de dire des choses graves dans une chanson. Mes poètes préférés sont Victor Hugo, La Fontaine, Ronsard, et, plus près de nous, j’aime beaucoup la poésie d’Apollinaire, René Char, Aragon. (D’ailleurs, ils ont été souvent mis en chansons.) Les philosophes ? J’ai beaucoup aimé les philosophes de Saint-Germain-des-Prés. Surtout Jean-Paul Sartre. Camus, c’est autre chose ; je préfère Sartre à Camus. J’aime les philosophes existentialistes. Il y a Kierkegaard et Heidegger derrière. Ce sont des philosophes de l’existence ; avant les philosophes étaient plus théoriques. Quand on était philosophe, il fallait s’engager politiquement, ne pas rester dans sa tour d’ivoire. Ce sont des philosophes de la liberté ; il leur fallait résister à la propagande, à la manipulation. Aujourd’hui, les gens devraient relire Jean-Paul Sartre.
Votre chanson « Suzette » a été un immense succès. Vous avez dit « Suzette » était un peu l’arbre qui cachait votre forêt. Pourquoi ?
Chez moi, il y a toujours eu deux types de chansons. Des chansons pour initiés, et des chansons plus populaires. J’ai eu la chance d’avoir un côté populaire, ce qui m’a permis de rentrer dans des émissions de télévision plus grand public ; mais cela a laissé un peu dans l’ombre le fait que je fasse du jazz, des musiques cubaines, etc. Mais grâce au fait que je fasse de la chanson populaire, j’ai pu faire des voyages à Cuba, à Porto-Rico, en Italie, à la Nouvelle Orléans, à Londres, etc. Le succès populaire assure une audience. Ce côté populaire, me permet aussi de développer une musique plus ambitieuse, plus pour initiés. Le jazz, c’est une musique d’initiés ; quand je suis allé à la Nouvelle Orléans, ce fut pour moi une bouffée d’air pur. Heureusement, j’ai eu la chance d’avoir un tube… On a besoin des deux. Les deux nourrissent…
Cette chanson, « Suzette », vous l’aimez toujours ?
Eh bien oui car elle m’a fait connaître au grand public. Ce n’est pas moi qui l’avait choisie mais la maison de disques. De toute façon, cette chanson n’est pas loin de ce que je fais habituellement ; j’avais engagé un guitariste de musique Django.
Votre dernier album, « Le Dernier romantique », rend hommage à l’amour. Pouvez-vous nous en parler.
J’ai eu envie de faire un album très sentimental. Aujourd’hui, sentimental ça veut dire niais. La famille et le couple aussi. Moi, j’ai eu envie de glorifier le couple, c’est-à-dire une femme et un homme (ou deux femmes ; ou deux hommes). Le couple, comme une forteresse, comme un refuge, comme un moyen de grandir. Je trouve que Mai 68 avait cassé le couple, mais on y revient. J’ai eu envie de faire un album axé sur les sentiments comme ça se faisait dans les années soixante ; c’était alors très à la mode. La danse de l’amour, c’est le slow. Il permet d’avoir un contact immédiat même avec une personne qu’on connaît peu.
Le slow, c’est effectivement très pratique.
Oui, mathématiquement, on gagne cinq dîners grâce à un bon slow.
En 2009, vous chantiez « Je suis jaloux ». L’êtes-vous toujours ?
Oui, je suis jaloux ; évidemment les paroles d’une chanson, ce n’est pas exactement vous. Mais je connais des gens chez qui la jalousie est maladive. Cette chanson m’a permis de parler de ce problème. En fait, le jaloux n’a pas confiance en lui. S’il s’aimait un peu plus, il serait moins jaloux.
Propos recueillis par PHILIPPE LACOCHE