Commençons par les choses sérieuses. Je me suis rendu, en compagnie de Lys, à la projection de la vidéo Il n’y a pas de rapport, hommage à Jacques Lacan, de François Rouan, dans la salle du cinéma Orson-Welles, à la Maison de la culture d’Amiens. L’événement était suivi d’une discussion proposée par des psychanalystes membres de l’Ecole de la Cause Freudienne, Patricia Wartelle, Jean-Philippe Parchliniak et Philippe Béra. Le public était invité à rencontrer François Rouan après son exposition Les Trotteuses. Il s’agissait de saisir « une part de ce qui amena le psychanalyste Jacques Lacan vers l’œuvre de François Rouan », expliquent les organisateurs qui précisent que « cette rencontre fut importante, voire déterminante pour l’artiste. » J’aime mes amis éditeurs Mireille et Philippe Béra et leur amie Patricia Wartelle. Mais j’avoue humblement que je ne sais quoi penser de Jacques Lacan. L’inconscient est fascinant, comme l’art, comme la littérature, comme l’amour, comme le rêve. Je ne comprends pas tout de la psychanalyse. Les écrits de Freud m’ont fasciné quand j’étais lycéen au lycée Henri-Martin, au cœur des seventies. Je me laissais guider par Jean Poupart, professeur de philosophie. Ses mots résonnaient dans ma grosse tête de Ternois, surtout quand nous nous étions enfilé quatre ou cinq bières chez Odette, café des Halles, avant le cours. C’était doux, chaud, comme les mots de Desnos et de Tzara, que l’enseignant, élève de Gaston Bachelard, vénérait également. J’ai regardé la vidéo de François avec ce même étonnement, cette naïveté infantile qui génère une exquise douceur. J’avoue que les corps des deux jeunes filles du film me fascinaient. Ils me rappelaient les rondeurs duveteuses de mes petites amoureuses saint-quentinoises des années 1970, lascives, libres, délurées, entreprenantes. Je connaissais déjà Freud, Marx, mais pas Lacan. Ni Rouan, ni mes amis les Béra. C’était il y a longtemps, si longtemps que ça me fatigue rien qu’à y penser. C’est peut-être ça, la psychanalyse : se laisser aller, se laisser submerger par ses rêves, ses fantasmes (ses phantasmes, comme on l’écrivait au temps des seventies), ne plus sentir le poids du temps qui passe. Oublier la loi El Khomri. Et ne penser qu’aux petites amoureuses de ses 17 ans. Serais-je un freudo-marxiste ? Vu : deux pièces de théâtre fascinantes. Petits crimes conjugaux, d’Eric-Emmanuel Schmitt, dans une mise en scène de Marianne Epin, à la Comédie de Picardie. Schmitt a du talent. Il écrit bien, concis, rapide comme la montée d’une ivresse au Picon-bière. Sens aigu du dialogue, des personnages bien campés. On dirait du Félicien Marceau. Le thème est grave : la vie à deux, le couple qui dure. Lacan a déjà dû parler de tout ça ; je ne sais pas. L’autre pièce : Monsieur de Pourceaugnac, de Molière, musique de Lully, dans une mise en scène de Clément Hervieu-Léger, à la Maison de la culture. Un vrai régal. Le mariage (encore !), l’argent (cette plaie, quand on en manque !), la maladie… autant de thèmes chers à Molière. La mise en scène dispense un rythme insensé, une vitesse vertigineuse. Et les Musiciens des Arts Florissants servent Lully à la perfection. Un vrai bonheur !
Dimanche 10 avril 2016