Les mots fous d’Emmanuelle

 Emmanuelle Guattari est la fille de. Elle ne s’en défend pas. Au contraire, elle le revendique dans ce singulier et puissant premier roman. En effet, La Borde, lieu où est ancré se beau texte, n’est autre que la clinique où travailla et vécut le philosophe et psychanalyste Felix Guattari. Un hôpital psychiatrique pas comme les autres, paumé dans un parc gigantesque du Loir-et-Cher. Là, les patients vivent comme ils l’entendent. Les médecins et les infirmiers n’enferment personne. La petite Emmanuelle a vécu à La Borde. Elle a fait de cette expérience unique un livre étonnant, étrange, à la beauté tendue et poétique. Les chapitres sont brefs (deux pages parfois) comme des minuscules poèmes, des petites proses. Emmanuelle est un écrivain; ça se voit, ça se sent. Il y a un ton, un mystère. Les mots sont serrés comme les images d’un rêve dans une tête en sueur. «Nous glissons dans une barque dans la fraîcheur délicieuse du Loir. Les ramures tissent une treille, les troncs proposent leur ombre rafraîchissante.» Un peu plus loin: «Nous traînions notre enfance au milieu des adultes. sans bien tout comprendre.» Et les fous dans tout ça? Ils sont entre les mots; ils respirent. Certains guériront avec pour tout cachet celui de la liberté.

PHILIPPE LACOCHE

La petite Borde, Emmanuelle Guattari, Mercure de France, 142p., 13,50 euros.