Couderc et Cuba dans l’actualité

Frédéric Couderc, dernièrement, au Salon du livre de Creil.

Frédéric Couderc, dernièrement, au Salon du livre de Creil.

L’ancien grand reporter propose un roman somptueux et bien ficelé. À ne pas manquer.

Avec son – excellent! – dernier roman, étrangement intitulé Le jour se lève et ce n’est pas le tien, Frédéric Couderc (qui vit entre le Cap et Paris; ancien grand reporter, il se consacre à l’écriture, enseigne au Labo des histoires, et son roman, Un été blanc et noir, sorti en 2013, s’est vu couronner par le prix du Roman populaire que vient de se voir attribuer notre ami, le très picard Jacques Béal, ancien grand reporter au Courrier picard) se retrouve en pleine actualité.

L’excellent Raùl – le plus communiste, l’homme si proche de Moscou, c’est lui, le vrai bolchevique, c’est toujours lui – félicite le gros blond à la coiffure de perruche.

Avec l’élection de Trump, il n’en est que plus éclairant. En effet, l’histoire de ce livre est ancrée à Cuba. De La Havane en 1959, à La Havane en 2009. On s’en doute, les personnages, bien réels, ont pour noms Fidel et Raùl Castro, le Ché, Batista, mais aussi et surtout Camilo Cienfuegos (1932-1959). Il y a quelques jours Ronald Trump était élu. Première réaction: l’excellent Raùl – le plus communiste, l’homme si proche de Moscou, c’est lui, le vrai bolchevique, c’est toujours lui – félicite le gros blond à la coiffure de perruche. (Il n’a pas attendu les troskards pour être malin, voire prudent, un tantinet sournois; sans ces qualités, point de vraie révolution possible.) Seconde réaction: le gouvernement de Raùl Castro a annoncé dans la presse d’État la tenue, «la semaine prochaine, d’exercices militaires «stratégiques» à l’échelle nationale visant à faire face à une éventuelle invasion, sans toutefois faire explicitement le lien avec l’élection de Donald Trump», comme le souligne sur internet le site 24 heures. Génial: on dirait Staline à l’aube de la salvatrice bataille de Stalingrad. (Pour mémoire, ces manœuvres avaient été mises en place pour la première fois au moment de l’élection du républicain Ronald Reagan en 1980. Les derniers exercices de ce type s’étaient tenus en 2013.) Ce livre, taillé au cordeau (rien ne dépasse), efficace, très cinématographique (on sent que l’auteur Frédéric Couderc a dû suivre d’excellents ateliers d’écriture, américains très certainement), raconte les pérégrinations de Leonard Parker, un obstétricien new-yorkais, sympa, très bobo, fraternel, un bon mec; son obsession: éclaircir «le brouillard de ses origines». Car, là, ce n’est pas triste. Il se demande d’abord pourquoi sa mère, Dora, a tenu à se faire enterrer au cimetière d’Union City, coin des Cubains exilés. Il mène l’enquête, plonge dans le passé. Il tombe sur la folle histoire d’amour qu’entretirent Dolores, héritière d’une fortune gagnée grâce au dicateur Batista, et Camilo Cienfuegos, guérillero au courage inouï, compagnon de Fidel. Et comment ne pas aimer un roman dans lequel passent Clash, Marisa Berenson et le regretté Alan Wilson, chanteur-harmoniciste du divin Canned Heat. Un livre passionnant.

PHILIPPE LACOCHE

Le jour se lève et ce n’est pas le tien, Frédéric Couderc; éd. Héloïse d’Ormesson; 367 p.:; 20 €.