Le plus français des chanteurs anglais sur la terre de nos amis alliés

Murray Head sera à Chaulnes, demain samedi.

Murray Head sera la tête d’affiche de l’Overdrive Festival, ce samedi 15 octobre, à l’espace socioculturel de Chaulnes, dans l’Est du département où nos amis alliés, britanniques, australiens, etc.,  se sont si courageusement battus contre les hordes teutonnes. Il a répondu à nos questions.

Le chanteur britannique Murray Head occupera le devant de la scène samedi 15 octobre pour l’Overdrive Festival, à l’espace socioculturel de Chaulnes (près de la gare TGV Haute-Picardie). Il interprétera ses tubes « Say It Ain’t So » ou encore « One Night in Bangkok ». Il partagera l’affiche avec l’Irlandaise Grainne Duffy,  dont la voix rappelle parfois celle de Janis Joplin, selon les spécialistes. Les Bordelais d’Eros seront également à l’affiche. Les groupes locaux seront aussi présents : les Chaulnois de Libido, vainqueur du tremplin cette année, de même que le groupe Etté, originaire de Bayonvillers.

L’année 2015 a marqué les 40 ans de la sortie du célèbre album « Say it ain’t so Joe », porteur de la chanson éponyme. Si vous deviez résumer cette carrière en quelques phrases, que diriez-vous ?

Murray Head : je pense que j’ai été influencé par mon intuition, plus que tout. C’est l’intuition qui me prévient, qui me fait tenir la vie comme je la vis, avec des précédents et des priorités en tête. Ca veut dire que c’est seulement récemment, en regardant en arrière, que j’ai pris conscience de cette intuition (cet instinct en français, mais j’associe plus ce nom aux animaux) ; en fait, la célébrité est une chose assez dangereuse, car à partir d’un certain moment, on a du mal à la contrôler. Or, aujourd’hui, les gens cherchent plus la célébrité que la joie qui peut provenir simplement de ce qu’on fait pour tenter de gagner cette célébrité. Je fais partie d’une génération qui avait du mal à s’exprimer parmi nos parents. La musique c’était donc l’un des moyens de s’exprimer, plus que l’écriture. On a donc sauté sur le blues, sur les bluesmen avec toute l’inquiétude que portent leurs chansons. Les intellectuels bourgeois étaient assez intelligents pour apprendre dans le style perroquet sans vraiment comprendre que le blues recèle une certaine spontanéité. On a aucun problème à piquer les paroles d’un autre bluesman, piquer les mêmes accords. Mais joué par un individu, ça devient unique. On pensait alors qu’il ne s’agissait de chansons qui comportaient douze mesures. Mais parfois, il y avait onze ou treize mesures… ces petits trucs qui donnent ce truc unique au blues. Je n’ai pas compris ça quand j’étais jeune, mais plus tard on se dit : « Cette chanson est différente… il faut chercher pour la comprendre ; c’est subtile… » Les producteurs de l’époque sont allés en Amérique quand la vague du blues était déjà terminée. Elle était remplacée par le jazz moderne. Les bluesmen de l’époque travaillaient, réparaient des ascenseurs, tournaient des manivelles, ou bossaient dans les chiottes publiques… et les producteurs les ont trouvés, ces grands bluesmen. Ca ne coûtait rien. Ils les ont ramenés dans de grands festivals, dès 1961 et 1962.

C’était le British blues boom.

Exactement. C’était au moment où la bourgeoisie atteignait sa apogée, enfin presque… Nous, on était encore des teenagers. C’était exactement ce qu’il fallait : prendre la misère des autres, parce qu’on avait été élevés dans le coton. On ressentait peu d’émotions ; on ne savait pas qui étaient les filles, et les filles ne savaient pas qui étaient les garçons car on était élevés dans des écoles séparées, non mixtes. Ca explique que cette génération a sauté sur le blues et que cela a influencé toute la musique depuis.

Quand vous dites que vous avez été élevés dans le coton, vous êtes très modeste. Vous êtes né en 1946, l’écho des bombes allemandes résonnaient presque encore sur Londres…

C’est vrai. Mais les parents ont tout fait pour qu’on oublie la misère et l’horreur de la guerre. C’est seulement quand j’ai écrit mon autobiographie que j’ai posé des questions à mes parents. Je suis parvenu à comprendre… Il faut atteindre un certain âge pour comprendre ce qui s’est réellement passé. On réfléchit. J’ai réalisé que mes parents, à leur majorité, avait la guerre qui pesait sur eux. Ils commençaient à gagner un peu d’indépendance, et juste à ce moment-là, la guerre s’est déclarée. Ils n’avaient plus aucun contrôle sur leurs propres vies ; ils vivaient au jour le jour. Ca explique pourquoi, ils ont eu quand même une retraite bien organisée. Je pensais, moi aussi, pouvoir, comme eux,  jouir d’une calme retraite. Ce fut impossible. Nos parents savaient qu’à leurs fins de leurs vies, ils pourraient léguer un héritage à leurs proches. Ils avaient de quoi passer une vie calme ; aujourd’hui, on n’aura pas d’héritage car, ce qui se passe, c’est que les parents arrivent  à des âges où ils sont contraints d’aller dans des maisons de retraite. Ca coûte cher et ils sont maintenus en vie dans ces établissements, et au final, il n’y a plus d’argent. Et, comme par miracle, au moment où il n’y a plus d’argent, ils meurent. L’argent des héritages est bouffé par des maisons de retraite. C’est l’Etat qui récupère… Tout ça pour dire, que finalement, je n’ai pas grand-chose en commun avec mes enfants ; et je n’avais pas grand-chose en commun avec mes parents… Finalement, on naît dans une génération ; c’est avec la génération qu’on appartient qu’on doit s’amuser et se comprendre. Tout ça pour dire que si j’ai pu mener à bien une aussi longue carrière, c’est en évitant des excès de célébrité, je suis parvenu à éviter certaines choses. On me disait que ce n’était pas sage de faire ci ou ça ; je n’ai jamais cherché à avoir des tubes ; beaucoup de gens de mon âge recherchaient les tubes. Ca ne m’intéressait pas. De même, je n’ai jamais chassé le cachet en tant que comédien. Aujourd’hui, c’est incroyable comme les comédiens chassent le cachet.  Moi, ce qui m’intéressait, c’est ce qu’on faisait. La musique qu’on faisait. Quand j’étais plus jeune, la musique était ma maîtresse et j’étais marié. Dès que j’ai divorcé, la musique est devenue ma femme, et ma femme est devenue ma maîtresse.

En 1966, vous obtenez votre premier contrat en tant que comédien, auprès d’EMI. C’était l’époque du Swinging London et du British Blues Boom. Quelle était l’ambiance à l’époque ? Alliez-vous au Marquee club ? Connaissiez-vous Chicken Shack, John Mayall, Jeff Beck, Graham Bond ?

Oui, bien sûr; j’étais spectateur. Lorsque j’avais huit ans, j’ai été influencé par Ray Charles. J’aimais le jazz traditionnel. La musique, c’était ma vie, mon monde. L’autre façon de s’exprimer, c’était grâce à la peinture. Il y avait de nombreux collèges d’art où se formaient les groupes. Je suis allé à l’école avec les Yardbirds. J’ai vu Rod Stewart jouer de l’harmonica à ses débuts. Il ne chantait même pas; il remplaçait Cyril Davies. J’étais au premier concert d’Hendrix, à Londres. J’ai vu les Stones jouer à Richmond. Il y avait de nombreux clubs (le Speakeasy, etc.) où les musiciens ne faisaient que des bœufs. Je me souviens qu’un soir Johnny Hallyday est venu dans un club ; il a voulu jouer la carte de la célébrité, mais malheureusement la première chose à apprendre avec la célébrité, c’est qu’il y a des frontières, et qu’on est moins célèbre… Ils n’ont pas laissé rentrer Johnny ; il avait enlevé ses lunettes noires, mais la femme à l’entrée n’a rien voulu savoir. Elle ne l’a pas reconnu. La célébrité, à l’époque, ce n’était pas important. C’était même un handicap. On voyait Clapton, Pete Townshend et d’autres jouer dans le même club ; c’était habituel. Tout le monde jouait avec tout le monde parce personne ne pensait à l’argent. A cette époque, tout était possible. On était de nombreux musiciens mais on trouvait le travail qu’on voulait. Ce n’était pas réglementé comme aujourd’hui.

C’était un peu comme lors de la Nouvelle vague en France, de la Beat generation aux Etats-Unis, du mouvement punk en Angleterre… La société de consommation baissait un peu son caquet. La poésie, l’intuition reprenaient le dessus…

Oui, ça respirait… C’est comme quand la première fois que l’Angleterre a su comment vivait les riches, à travers le fameux procès de Christine Keeller, la prostituée qui avait baisé avec la plupart des aristocrates anglais. Quand le public a vu ce qui se passait parmi ces gens, ça a changé tout… J’ai eu la chance de pouvoir échanger avec des gens très très riches qui nous employaient comme musiciens. J’étais dans un groupe de gens qui fréquentaient les grandes écoles privées (publics schools).  J’ai joué avec des gens qui étaient tous à Oxford. J’étais traité comme un caniche. J’étais le petit chouchou ; mais on n’avait aucun respect pour moi. On me traitait comme le petit animal qu’on touche de temps en temps. C’était bien de maintenir une certaine objectivité car ça me montrait des modes de vies que je n’aurais pas soupçonnés.

Vous avez participé à la célèbre musicale Hair. Comment cela s’est-il produit ?

Ca s’est passé dans des conditions tout à fait normales. Je venais de réparer une guitare ; je l’avais sur mon dos. Quelqu’un m’a fait savoir qu’il y avait une audition. Je lui ai demandé de quoi il s’agissait. On m’a dit que c’était pour la comédie musicale Hair qui venait de commencer quatre semaines plus tôt. Je n’avais pas la moindre idée de quoi ça parlait. Je me suis trouvé en concurrence avec une quarantaine de personnes qui étaient mortes de peur car, toutes, voulaient avoir un rôle. Moi, ça m’amusait de voir comment ça se passait pour les auditions. A part ça, je n’avais rien à perdre. Je n’avais aucune appréhension. Ils m’ont appelé sur scène. Il y avait un vieux piano. Ils m’ont proposé de chanter une reprise ; je leur ai répondu non, et leur ai proposé de jouer des chansons à moi. J’ai commencé à chanter. Ils m’ont proposé de chanter une chanson au tempo plus vif. J’ai dit OK. Leur façon de parler était pleine de dédain. J’ai fait une deuxième chanson. Ils m’ont encore réclamé une chanson connue. Je leur ai dit que je ne connaissais que mes chansons. Je leur ai dit : « Je ne sais pas qui vous êtes ! ». Je suis descendu de la scène, et j’ai marché dans le noir, dans la salle, pour rencontrer ces gens. Je leur ai dit : « Je m’appelle Murray Head. Et vous, vous êtes qui ? » C’était une façon de casser la façon hautaine que développaient ces producteur et metteurs en scène.

Cette arrogance.

Oui, cette arrogance. Naturellement, ils ont aimé ma façon de les aborder. Mon audace. Ils m’ont donc choisi pour ça. J’ai fait inscrire dans le contrat que si j’écrivais un tube ou si j’avais un rôle dans un film, il me serait possible de quitter le spectacle. Après quatre mois de spectacle, j’ai écrit un tube, et j’ai décroché un rôle important dans Un Dimanche comme les autres  (N.D.L.R. : Un dimanche comme les autres - Sunday Bloody Sunday - est un film britannique réalisé par John Schlesinger, sorti en 1971.) ; donc j’avais toutes les raisons de pouvoir partir ; j’aurais bien voulu rester, mais Hair, c’était basé sur une sorte de spontanéité, mais en même temps c’était un conflit ; on  nous disait : on veut que vous soyez vous-mêmes. Tentez de devenir uniques, et en même temps, vous devriez jouer des gens qui étaient sur le point de partir pour le Vietnam et brûlaient leurs cartes d’électeurs… or, on n’avait pas le Vietnam en Angleterre. On était dans l’hédonisme pur. Le Vietnam, pour nous, c‘était loin. Mais ce n’est pas ça qui m’a fait quitter Hair. Par un hasard incroyable, ils avaient un problème avec le théâtre. Ils ne pouvaient accéder au théâtre à cause d’une grève. Ils ont donc  préféré répéter pendant trois mois. Pendant ces trois mois, ils ont utilisé de nouveaux comédiens-chanteurs. Tout était basé sur la confiance, sur le groupe ; c’était fabuleux. Nous étions 24 personnes sur scène et nous étions tous uniques ; on arrivait à être une vraie famille sur scène. Malheureusement, après six mois, quelqu’un a crié, parmi les spectateurs, que Sammy Davis , Jr. était dans la salle. Tout à coup, 24 égos se sont découverts afin de montrer à Sammy à quel point ils étaient bons artistes… L’esprit de famille s’est écroulé comme un château de cartes. Tout s’est cassé la gueule  en une soirée. Retour à la compétition.

Vous avez enregistré « India Song », la chanson du film de Marguerite Duras. Pourquoi avoir interprété cette chanson ?

Quand je suis arrivé en France pour faire un film de Molinaro qui s’appelait La Mandarine (1972), ils ont décidé de faire un hommage à Jeanne Moreau. Ils m’ont demandé de choisir une chanson que chantait Jeanne; je suis tombé sur celle-là. J’ai trouvé les paroles magnifiques. Je l’ai apprise ; j’ai participé à cet hommage qui avait lieu au studio de la Maison de la Radio. Après trois heures, je n’avais toujours pas chanté. Elle-même, Jeanne Moreau, est discrètement partie. Vers 16 heures, le metteur en scène est venu me dire : « Je ne pense pas que vous allez chanter… » Un jour, en 1995, j’ai trouvé l’occasion de l’enregistrer. Des gens autour de moi me disaient que je ne devais pas chanter en français ; je me disais : si, si… Je me disais : « Je m’en tape. » J’étais sûr que le public ne pensait pas comme ça. J’ai fait des chansons en français. J’ai même fait une compilation sur laquelle j’ai pu chanter cinq ou six chansons en français. Un voisin, un jour, a joué le disque et il favorisait les chansons en français. Je me suis dit que j’avais eu raison.

Vous habitez en France.

Oui, c’est ça l’idée ; je suis chez moi dans le Béarn, entre Pau et Biarritz. Je fais beaucoup de bricolage ; je remets la maison en état.

Comme beaucoup d’Anglais (Kevin Ayers, Lawrence Durrell, etc.) vous aimez la France.

Effectivement, je suis tombé amoureux de ce pays ; je n’ai aucune envie de jouer en Allemagne ou en Hollande ou en Belgique. J’ai même fait une tournée en Scandinavie ; ce n’est pas mon truc. C’est ici que je veux gagner ma vie. La seule chose un peu triste, c’est que je ne suis pas fermier et que je ne peux pas gagner ma vie ici, dans le Béarn… (Rires.) Donc, je suis contraint de voyager pour faire des concerts ailleurs.

Vous avez beaucoup travaillé sur la correspondance entre George Sand et Alfred de Musset. Cela vous a servi à la co-écriture du scénario du film Les enfants du siècle (1999). Qu’est-ce qui vous a intéressé dans cette passion très littéraire ?

Je venais de rompre avec une amie et je l’ai rencontrée à nouveau un an plus tard ; on commençait à tenter de nous souvenir de ce que nous avions vécu ensemble ; j’ai remarqué qu’elle avait retenu des choses complètement différentes des miennes. (A ce propos, je conseille à tous les couples de tenter de se souvenir des moments qu’ils ont passés ensemble, ce un ou deux ans plus tard, pour voir ce qu’on en a retenu.) A l’époque, on m’a demandé de faire une  interview sur M6 ; ils m’ont demandé le dernier livre français que j’avais, lu. C’était un livre de Philippe Djian, ce n’était pas tout à fait représentatif de la littérature français (ça ressemble plus à Brautigan). J’ai donc demandé à ma copine de me conseiller un livre français ; elle m’a filé Les confessions d’un enfant du siècle. J’ai trouvé ça fabuleux ; l’histoire correspond à celle de n’importe quel enfant d’après-guerre. Cette histoire eût pu se dérouler après la deuxième guerre mondiale. Le narrateur tombe ensuite amoureux d’une femme qu’il essaie de séduire pendant deux ; dès qu’elle lui cède, il la laisse tomber. Il a fait comme tous les mecs : ils laissent tomber quand ils ont gagné. Cette histoire était écrite pour George Sand. C’était écrit en 1835, trois ans après leur passion de Venise. Ca a commencé à m’intéresser. George Sand a attendu la mort d’Alfred afin d’écrire sa version de leur même histoire d’amour. Ca s’appelait Elle et lui. Et le frère de Musset était si fâché qu’il a essayé de prouver à l’Académie française qu’elle avait fait du plagiat en utilisant les lettres d’amour qu’ils avaient échangées. (Ils étaient vraiment radins avec leurs lettres d’amour.) Paul de Musset n’est pas parvenu à prouver le plagiat ; alors, il a écrit un pamphlet qui s’appelait Lui et elle. Dix ans plus tard, une proche de Vigny a écrit une pièce de théâtre qui s’appelait Eux. Ca a commencé à m’intéresser que personne n’ait vraiment su ce qui s’était réellement passé entre ces deux amoureux. Ils furent un peu les Burton et Taylor de l’époque. Dans Fantasio, qu’ils ont écrit ensemble, on voit les deux styles d’écriture. On se rend compte à quel point ils ont partagé leur vie.

Etes-vous actuellement en tournée ?

Non, je fais actuellement environ deux concerts par mois. Une tournée, aujourd’hui sert aux artistes qui veulent gagner énormément d’argent.

Vous venez à Chaulnes, dans l’Est du département de la Somme, où vous compatriotes, nos alliés, se sont battus au cours de la Grande Guerre pour repousser l’envahisseur teuton. Donc, vous venez pour le plaisir, et non pas dans le cadre d’un plan de carrière.

Oui, je viens juste pour le plaisir. Je ne cherche pas les concerts ; j’attends qu’on me sollicite. Et en général, j’accepte. Je vais donc regarder le Wikipédia pour avoir des informations sur Chaulnes. Je vais venir un peu plus tôt, rentrer dans les magasins. Je vais voir la proportion de coiffeurs et de pharmacies, afin d’estimer l’âge moyen de la population de Chaulnes. Avec tout ça, je déciderai quelles chansons j’interpréterai, ou celles que je laisserai tomber. Ce sera une sorte de communion (sans l’aspect religieux). C’est une chance incroyable de pouvoir rencontrer son public, rencontrer des gens qui aiment ce qu’on fait. Ce sera une soirée unique qui n’appartiendra qu’à Chaulnes ; on ne pourra pas comparer aux autres concerts. Il n’y aura pas de format. Je déteste les concepts écrits par un directeur musical. Chaque concert est différent ; on fait des échanges de notes et d’accords ; on suit les idées qui se promènent entre nous. Ca restera une soirée totalement spontanée et vive. Je ne fais pas partie d’une génération qui n’a pas fait du spectacle pour l’argent ; grâce à ça, on n’a pas le poids du besoin de célébrité qui pèse si lourd sur le dos des jeunes artistes d’aujourd’hui. Célèbres à n’importe quel prix. Nous, nous évitions la célébrité car elle influait sur notre art. Cet état d’esprit m’a permis de mener une longue carrière. Au début de nos carrières, nous étions influencés par d’autres artistes, mais on abandonnait ces influences le plus vite possible afin de nous trouver nous-mêmes. Aujourd’hui, ceux qui réussissent ce sont des gens qui ont des voix uniques. On les entend une fois à la radio et on se dit : « Je sais qui c’est… » Ce qui est une sorte de mensonge car les gens qui dominent dans ce monde bizarre de la compétition (Star Academy, Nouvelle star, etc.) n’ont aucun lien avec la réalité du vrai talent ; c’est fait pour des gens qui veulent recycler leurs anciennes chansons : on force les jeunes à chanter des reprises qui ne sont jamais aussi bien que les originaux. C’est fait pour recycler le catalogue. Il y a un cynisme incroyable là-dedans. Après, trois cycles, on balaie tous les jeunes chanteurs pour en faire venir des nouveaux. Ce sont des fausses pistes. Il faut aller à un concert de Star Ac, pour se rendre compte que les gens du public sont là pour voir leur proche, leur enfant sur scène ; ils se contrefichent des autres concurrents. Ils se tiennent comme ils se tiennent chez eux : ils mangent, ils amènent des pique-niques sur place. C’est une toute autre forme de concert où des gens n’écoutent pas mais bouffent… Ca n’a pas grand-chose à voir avec ce que font les artistes de ma génération.

                                                       Propos recueillis par

                                                       PHILIPPE LACOCHE

 

 

 

 

 

Quelques coups de coeur

ESSAI

Mille Kessel et miscellanées

«Journaliste de métier, écrivain par vocation», se plaisait-il à dire. Mais aussi homme d’action, émigré russe, jeune homme bagarreur, aviateur pendant la Grande Guerre, reporter, courageux résistant, homme de lettres reconnu, admiré, noceur invétéré, épris d’absolu… il n’y a pas un, mais cent, mille Joseph Kessel. Éditeur et écrivain, avec Joseph Kessel, La vie jusqu’au bout, Marc Alaux dresse un portrait passionnant et original du lion fraternel. La fin de l’opus est augmentée de délicieuses miscellanées, ou, dans le désordre, on apprend de nombreuses anecdotes sur l’écrivain. Parmi celles-ci, les propos d’Henry de Monfreid: «Sous alcool Kessel est déchaîné; c’est la brute russe qui domine tout.» Sacré Kessel! Ph.L.

Joseph Kessel, La vie jusqu’au bout, Marc Alaux, Transboréal; 187 p. 14,90 €.

POéSIE

Darras et l’eau de là

«Écrire, pour Jacques Darras, c’est avant tout partir à la rencontre du monde», estime dans la préface le poète Georges Guillain, à propos de L’Indiscipline de l’eau, Anthologie personnelle, de Jacques Darras. On ne peut mieux dire. Résolument picard, celui qui ne cesse de se souvenir de son cher Ponthieu et du Marquenterre, aime à suivre les cours d’eau. À l’image de certains poètes et écrivains de la Beat Generation (Brautigan, Kerouac, Ginsberg, etc.), il part du minuscule -exemple: le fleuve côtier la Maye – pour sortir du lit de cette rivière, humide maîtresse, puis embrasser le monde. L’universel. Ici, il prend l’air en Belgique, à Laon, en bières (Chimay et d’autres). Une jolie balade en vers et contre tout ce qui dort. Ph.L.

 

L’indiscipline de l’eau, Anthologie personnelle, Jacques Darras, préf. de Georges Guillain. Poésie/Gallimard; 242 p.; 7,90 €.

ROMANS

La lumière vient de l’Est

Fondé en avril 2015 par la journaliste et écrivain Natalie Turine, Louison Éditions a pour vocation de faire découvrir la littérature russe moderne. Son ambition? Faire lire les auteurs insoumis et libres. Deux romans nous parviennent: Feu rouge, Roman cathédrale, de Maxim Kantor, et Le Hollandais volant, Le spectre de la culture, de Youri Maletski, les deux préfacés par l’excellent Éric Naulleau. Ce dernier, à propos de l’ouvrage Kantor, écrit: «De L’Est, encore. Comme de l’Est vient toujours la lumière, de l’Est nous arrive une nouvelle œuvre magistrale.» De l’Est vient toujours la lumière; il a raison Naulleau. Comme a tout autant raison Kantor quand il écrit, imparable: «(…) pour un homme qui ne vit qu’une fois, mourir est quelque chose de grave.» Avant de mourir: lisez Kantor, Maletski. Et Naulleau. C’est salutaire. Ph.L.

 

Feu rouge, Roman cathédrale, Maxim Kantor, préf. d’Éric Naulleau; Louison Éditions; 749 p.; 29 €. Le Hollandais volant, Le spectre de la culture, Youri Maletski, préf. d’Éric Naulleau; Louison Éditions; 147 p.; 22 €.

 

 

FOLK

Baryton

Installé à Austin au Texas depuis quelque temps, Guillaume Fresneau, ex-fondateur du groupe rennais Dahlia, a mené a bien le projet Redeye. Voici l’album The Memory layers, ravissant, convaincant, à la fois puissant et gros d’un folk-rock vigoureux et énergique, et félin grâce aux mélodies subtiles. De sa voix de baryton, il raconte des histoires où se mêlent nature, religion, amours et rudes contrées. Totale réussite. Ph.L.

The Memory layers, Redeye.

Jacques Darras.

Jacques Darras.

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POESIE Dans le noir

 

Murielle Compère-Demarcy, auteur d'un long et magnifique poème.

Murielle Compère-Demarcy, auteur d’un long et magnifique poème.

Quel beau poème! Quel beau petit objet littéraire! Coupure d’électricité est le nom du petit livre, œuvre de Murielle Compère-Demarcy, que vient de publier Jacques Lucchesi, des éditions du Port d’Attache, à Marseille. Un seul poème constitue l’opus, comme au temps des éditions de la Sirène, de Cendrars, des Dadaïstes, des Surréalistes. De la Beat Generation. C’est tout de suite à ce dernier courant littéraire qu’on pense à la lecture de Coupure d’électricité. Murielle Compère-Demarcy possède un rythme, un ton, un style bien à elle; elle joue avec les mots, les froisse, les contraints à se heurter pour mieux figurer le désordre intérieur de la narratrice. Car, il s’agit bien là d’une plongée vers les abîmes d’une grande déprime due, peut-être, au décès d’une mère. Mais ici on n’est pas chez Camus; on est chez Ginsberg ou Brautigan. Ce petit livre est un délice car, comme le souligne Jacques Lucchesi dans la préface, la voix de Murielle «est de celles qui portent haut et loin». Il a raison. Ph.L.

 

Coupure d’électricité, Murielle Compère-Demarcy, éditions du Port d’Attache (7, rue de l’Église Saint-Michel, 13005 Marseille; jlucchesi13@gmail.com); 15 p.; 2,5 €.

« Je ne suis pas très underground comme garçon »

Voilà ce que révèle l’excellent Alex Beaupain dans l’interview qu’il nous a accordée à Breteuil, dans l’Oise, juste avant son concert dans le cadre du Picardie Mouv’.

Les arrangements de votre dernier album sont très différents de ceux de vos précédents disques. Pourquoi?

Les chansons sont de la même veine. Ce sont des chansons sentimentales ou des chansons d’amour, déclinées sous plusieurs angles. C’est ce que je raconte dans mes albums depuis quatre albums. Simplement, cette fois-ci, j’avais envie de co-réaliser l’album. Je me suis toujours très impliqué dans la réalisation de mes albums. Jusqu’ici, quand je choisissais un réalisateur, je lui laissais le volant en matière d’arrangements. Là, je voulais donc co-réaliser avec un garçon, musicien, qui s’appelle Nicolas Fiszman

Alex Beaupain, auteur-compositeur-interprète, Breteuil, Oise. Novembre 2013.

. J’avais envie que l’album me ressemble tant au niveau des chansons que de la façon dont elles étaient arrangées. Ainsi, il y a sur cet album des choses très variées, plus variées qu’avant, donc plus variété quelque part. Parce que je déplorais toujours dans mes albums précédents que ce soit très joli, très bien fait (j’adore le travail de mes réalisateurs précédents), mais peut être trop élégant et de bon goût. (Dans le sens où, parfois, on s’interdit de faire des choses car on a peur que ça sonne trop années 80. ) J’avais une façon de chanter qui était beaucoup plus maniérée. On faisait beaucoup de prises; la voix était donc très juste, mais je pense qu’on perdait beaucoup en intentions et en émotions sur la voix. Là, je voulais ne rien m’interdire. Il y a des choses très variété, et même un solo de synthé sur un morceau. (Ce qu’on ne fait plus aujourd’hui car on trouve ça terrifiant; moi, j’aime bien; je trouve ça joli.) Il y a même des espèces de pêches de cordes un peu disco sur la chanson « Pacotille ». J’avais aussi envie de me libérer un peu plus vocalement. Et comme je venais d’entreprendre une tournée assez longue, plus longue que les précédentes, ça m’a permis d’accepter qu’on pouvait ne faire qu’une prise voix pour une chanson à partir de l’instant où on estimait que l’émotion était là. Même si techniquement la voix était imparfaite. (Ce qui est souvent le cas chez moi.)

Donc un album plus variété, plus grand public.

Oui, c’est ça. Je le voulais. Les chanteurs que je préfère, ce sont des chanteurs populaires : Alain Souchon, Julien Clerc, Serge Gainsbourg (en a été un même si, chez lui, ça a pris beaucoup de temps), Alain Chamfort, Etienne Daho, etc. Avant, j’avais un côté plus auteur. Cela ne venait pas forcément de mes chansons, mais plus du fait que j’avais beaucoup travaillé pour le cinéma, pour le cinéma d’auteur. En fait, mes chansons sont beaucoup moins intellos qu’il n’y paraît. Elles sont simples; j’essaie de faire en sorte qu’elles soient bien écrites, ça c’est la moindre des choses. Je ne me sens pas très underground comme garçon; je pense même que je le suis pas du tout.

Pas underground, certes; cela n’empêche que vos textes sont particulièrement soignés.

Je crois que c’est la moindre des choses. J’ai mis longtemps à avouer que je voulais faire ce métier. Les chansons que j’écrivais au début, je ne les trouvais pas bonnes. Je les trouvais trop mauvaises pour mériter d’être entendues ou de figurer sur un disque. Ma première inspiration, c’était les chanteurs qu’écoutaient mes parents. Les grands anciens : Trenet, Brel, Barbara, etc. Trénet, c’est le chanteur de mon papa; ce que j’aimais chez lui c’est sa façon très simple de faire sonner le français. Pour moi, Trénet c’est le premier chanteur pop en France. Il a apporté des rythmes d’outre-Atlantique, le swing en l’occurrence; il a fait en sorte que le français puisse marcher dessus. Il a montré que le français pouvait sonner sur des rythmes anglo-saxons. Ensuite, j’ai acheté mes propres disques. Au collège, j’avais deux idoles : Renaud et Etienne Daho; c’est un peu le grand écart. D’un côté, le minet Bc-Bg, très pop, très variété, un peu méprisé avec son côté Top 50; de l’autre, Renaud le titi parisien, un l’héritier de Bruant, Brassens, Hugues Aufray. Bizarrement, chez mes parents, il était plus facile d’écouter Renaud qu’Etienne Daho; pourtant, c’était Renaud le rebelle. J’ai pris des choses chez ces deux artistes : chez Daho, écrire légèrement des choses graves; écrire de vraies chansons de variété. Chez Renaud, c’était le personnage qui m’intéressait; il ne chante pas forcément très bien; ses musiques ne sont pas extraordinaires mais sa personnalité emporte tout. C’est incroyable. En fin de collège, je découvre Serge Gainsbourg, dont j’achète l’intégral en cassettes. C’est un choc. Je me retrouve devant ce qu’on peut considérer comme une oeuvre. Et jusqu’à présent, je n’avais pas l’impression qu’on pouvait faire oeuvre de la chanson. Pourtant, il se défendait de cela en disant que la chanson était un art mineur. S’il a quelqu’un qui a bâti une oeuvre, c’est bien lui. Ce fut un choc pour moi grâce à sa façon d’écrire des textes, sa façon d’appréhender la modernité en musique. Sinon, il y a plein d’autres artistes que j’aime. J’achète dix CD par mois. Beaucoup de choses françaises : Dominique A, Murat, Bashung, Chamfort…

Le collège, c’était à Besançon?

Oui. Je suis venu à Paris après le bac. Je venais d’avoir mon bac; j’avais 17 ans ou 18 ans. Je suis venu à Paris pour faire sciences po. On peut dire que c’est formidable de faire science po, mais moi, les études et l’école m’ont toujours profondément ennuyé. J’avais une amoureuse à l’époque, dont la grande soeur avait fait ça; on avait donc un modèle qu’on pouvait suivre. Et tous les deux, on avait envie d’habiter ensemble. Le meilleur moyen d’habiter ensemble, c’était d’étudier ensemble. A partir du moment où mes parents ont subventionné ces études-là, je me suis senti dans l’obligation d’aller jusqu’au bout. On a donc fait science po, ma fiancée et moi, pour cette raison; pour habiter ensemble. Ensuite, j’ai eu 10 sur 20 tout au long de ma scolarité. J’ai été diplômé. Ma mère avait trois enfants; elle était institutrice. Mon père était cheminot. On était de classe moyenne. Dès que j’ai eu mon diplôme, j’ai avoué à mes parents que je voulais être chanteur. Ils n’ont pas fait de crise, mais ils m’ont dit : « Maintenant, tu t’occupes de toi. » J’ai donc fait des boulots.

Et comment s’est faite la transition vers le métier de chanteur?

J’ai commencé très tard; je n’ai pas eu de groupes au lycée. En revanche, j’ai toujours voulu être chanteur solo. Que ce soit mon projet à moi, avec des musiciens qui vont, qui viennent; mais ils me sont plutôt fidèles car j’aime cette idée de fonder une troupe. Mais j’avais toujours eu l’idée que c’était moi, que c’était mon projet, que c’est moi qui décidais. L’idée du groupe, ça me terrifiait. Je suis très démocrate dans la vie, mais je pense que dans le cadre d’un projet artistique, il faut être autoritaire et dictatorial. Après j’ai commencé à faire des concerts dans des petits endroits; il n’y avait personne, que des amis. A Paris. J’avais la chance, à 17 ans, d’avoir rencontré Christophe Honoré; quand il écoutait mes premières chansons, et je lisais ses premiers scénarios. Ni lui ni moi n’étions quelque chose. Il venait du fin fond de la Bretagne; moi je venais du fin fond du Doubs. On a fait nos premières armes ensemble; il m’a permis de faire la musique de son premier film. Il a quatre ans de plus que moi; il était arrivé à Paris un peu plus tôt. Il m’a beaucoup motivé. Après, j’ai travaillé trois ans sur mon premier album, grâce à des gens qui m’ont fait confiance, qui m’ont produit dans leurs studios. J’ai fini par vendre mon premier album à l’âge de 30 ans à une maison de disque qui était Naïve. Pour le premier album et pour Chansons d’amour, j’ai travaillé avec Frédéric Lo. J’adorais ce qu’il avait fait avec Daniel Darc, l’album Crèvecoeur. J’ai trouvé ça sublime. Quand on a fait Chansons d’amour, il s’est agi d’arranger les chansons. Naturellement, on est allé vers lui. Il a accepté de le faire pour peu d’argent. On a fait le deuxième album.

Vos textes cernent la relation amoureuse; ils sont très stendhaliens.

Ce n’est pas tellement volontaire. Les premières chansons que j’ai faites et que j’ai trouvé intéressantes, étaient des chansons d’amour. Et j’ai essayé d’écrire des chansons engagées.

La chanson « Au départ » est magnifique.

Ce n’est pas une chanson engagée. Ca reste une chanson d’amour.

Il y a quand même quelques petites piques.

Oui, c’est vrai.

Un clin d’oeil à votre grand-père cégétiste?

Sans doute. A mes parents aussi qui ont été des déçus de mai 1981. J’ai essayé de faire des chansons engagées frontalement un peu primaires, ça n’allait pas; ça ne marchait pas. Je me suis donc dit que j’étais un chanteur sentimental. Je me suis dit qu’il fallait que je sois un chanteur qui chante des chansons d’amour et d’autres choses. Il y a donc cette chanson qui parle d’amour et de politique. J’ai essayé d’en écrire des plus sociétales; d’autres parlent d’amour et du temps qui passe. Et que ces chansons d’amour ne soient pas sur le même registre; j’ai essayé d’en écrire des méchantes, des cyniques, des profondément désespérées, des joyeuses. Varier les angles.

La part d’autobiographie est-elle importante dans vos chansons?

Oui, il y a toujours une très large part d’autobiographie. Même les plus tristes; même les plus sexuelles.

Certaines sont vraiment très tristes.

Parfois je me sens très très triste. J’ai écrit sur des deuils aussi. Ce sont des expériences vécues (sinon, ce serait obscène). Mon amoureuse avec qui j’ai fait science po est morte quand j’avais 26 ans; c’est sur ce drame que j’ai écrit les premiers chansons que j’ai trouvé intéressantes. Tout ça est souvent très autobiographie même si ça vie n’est pas aussi palpitante que ce qui est raconté. Dans certaines chansons, j’ai été obligé d’exagérer un peu pour que ça devienne intéressant. Sur mon dernier album, il y a la chanson « Je peux aimer pour deux », une sorte de grande chanson masochiste. Je n’ai jamais vécu ça; peut-être que je le ferai un jour. Il m’est arrivé de ressentir ce sentiment de soumission qu’on peut avoir dans certaines relations. Après j’extrapole pour faire quelque chose d’un peu lyrique. Car la petite chanson anecdotique ne m’intéresse pas. On est obligé de dramatiser. J’ai écrit une chanson qui s’appelle « Je t’ai trompée sur toute la ligne »; je n’ai pas couché avec tous ces gens. Mais ça part tout de même de quelque chose d’un petit vrai. Voilà. En revanche, je veux que ça parte toujours de quelque chose d’autobiographique et de sincère. Sinon, j’ai l’impression de mentir et ça ne m’émeut pas.

Vous aimez la lecture, la littérature. Quels sont vos écrivains préférés?

J’ai d’abord lu Victor Hugo car il est né, comme moi, à Besançon. A 11 ans, j’ai lu Les Misérables. Ca m’avait beaucoup impressionné. J’ai lu beaucoup d’auteurs classiques. J’ai découvert par une ami, John Fante. Ca m’a ouvert des visions extraordinaires. Grâce à lui, j’ai compris qu’on pouvait écrire des choses méchantes, rudes. C’est grâce à lui que quelque fois, je suis méchant dans mes chansons. Il y a une violence et une modernité dans son écriture. Au collège, on lit des choses très lisses, qu’on nous dit de lire. Grâce à John Fante, j’ai lu des choses moins lisses. J’ai lu ensuite Henry Miller, Bukowski. Beaucoup d’Américains. Bratigan. Ces dernières années, à la rentrée littéraire, je me force à lire quelques français. Car je suis le premier à dire : « Il y en a marre de dire qu’en musique, il n’y a de bien que les anglo-saxons, et nous on est des merdes… ». Donc, il faut être cohérent; il fallait que j’applique ce raisonnement à la littérature. J’ai découvert Annie Ernaux, une romancière extraordinaire, très ample; Jean-Paul Dubois; Tristan Garcia…

Quels sont vos projets?

Je continue la tournée, et j’écris beaucoup pour d’autres artistes; ça me repose de moi-même. J’écris les textes et travaille avec des compositeurs; ça m’intéresse. Il y a plein d’auteurs qui écrivent pour les autres comme s’ils écrivaient pour eux. J’essaie de faire du sur-mesure. Je vais me remettre à écrire des chansons pour moi. J’ai des projets… des spectacles complètement zinzins qui ne verront peut-être jamais le jour. J’ai écrit une espèce d’opérette. J’aimerais que mon prochain album sorte à l’automne 2015; il ne faut pas trop traîner…

Propos recueillis par

PHILIPPE LACOCHE