Lettre de remerciements à Gilbert Fillinger

 

«Amiens, le jeudi 5 avril 2012, 9h55.Cher Gilbert, Une fois n’est pas coutume. Tu connais mes goûts singuliers, mes penchants quasi pervers, mes inclinations de beau-frère qui me conduisent à préférer les films des Charlots à ceux d’Ernst Ingmar Bergman. Qu’y puis-je? Je suis bon public, d’humeur assez joyeuse surtout quand les filles m’aiment, me câlinent, et, tu t’en doutes, c’est le cas en ce moment avec ma délicieuse petite Anglaise Lady Lys qui, avec son succulent accent birkinien, adoucit mes jours et mes nuits. (Tu as vu, lectrice folle de moi comme je fais des phrases proustiennes, longues comme un jour sans poulettes?) Oui, disais-je, Bergman me gave et je sais que c’est mal. Jean-Luc Godard aussi (sauf À bout de souffle et Pierrot le Fou; scoop au passage, lectrice: un copain écrivain, dont je tairai le nom, m’a certifié que, lorsqu’il était jeune sa plaisanterie préférée était de marcher sur les mains dans les cocktails intellos, histoire de choquer le bourgeois; c’est Mauriac qui devait être content devant les plaisanteries simiesques du jeune époux de sa petite-fille Anne Wiazemsky) et là encore je sais que c’est mal. Je déteste certains des films intellos et chiants de Rohmer et de Doillon, et là je sais bien que j’ai raison. Ma tasse de thé, cher Gilbert, ce sont les séries B, les navets français des années 50 avec Maurice Biraud (mon idole), les Lautner dialogués par Audiard. On ne peut pas se refaire; quand on a eu la chance de naître à Tergnier (Aisne), ville cheminote, souvent communiste, on est plus sensible aux anars de droite, voire de gauche, qu’aux donneurs de leçon des universités et des Droits de l’Homme. Tout ça pour te dire, camarade Gilbert que, tu m’as ravi en programmant, l’autre soir, Le gros, la vache et le mainate, opérette barge issue d’un texte de Pierre Guillois, sur une mise en scène de Bernard Menez. En sortant de ton temple de la culture, j’avais mal aux côtes tellement j’avais rigolé. Ma Lady Lys, à qui je devais cette inoubliable sortie, était dans le même état que moi. Menez est un grand; on le savait depuis sa magnifique chanson «Jolie poupée» (1984), qui marquait enfin le retour de la chanson à textes. Cette opérette barge est grasse, iconoclaste, complètement cinglée, politiquement incorrecte. Elle fait du bien à la tête. Merci Gilbert. Ton dévoué Lacoche.»

Dimanche 8 avril 2012.