Le cirque Phénix né de la tempête

Alain Pacherie, créateur et metteur en scène du cirque Phénix, est aussi un homme de coeur.

Alain Pacherie, créateur et metteur en scène du cirque Phénix, est aussi un homme de coeur.

    Le cirque Phénix, et son spectacle « Cirkafrika 2 » sera au Zénith d’Amiens, le jeudi 15 janvier, à partir de 20 heures. Rencontre avec son fondateur et metteur en scène Alain Pacherie.

    Ce n’est pas un cirque tout à fait comme les autres. Entre la comédie musicale, le spectacle général et le cirque. Humaniste, voyageur impénitent et découvreur, Alain Pacherie, qui est par ailleurs fondateur de l’association Culture du Cœur,  explique sa démarche et ses choix.

Alain Pacherie, comment êtes-vous devenu fondateur et metteur en scène du cirque Phénix ? Quel a été votre parcours ?

J’ai rencontré Annie Fratellini qui m’a donné le goût d’un cirque différent.  J’ai adoré cette forme de cirque.  A partir de ce moment-là, je me suis fait ma propre idée du cirque jusqu’à ce qu’en 1999, je fasse construire mon premier chapiteau.  C’était en octobre ; et en décembre une terrible tempête s’est abattue sur la France.  Je me suis dit : « Si je parviens à refaire un autre chapiteau, je j’appellerai Phénix. » J’ai voulu le faire sans mats intérieurs ; ce fut donc le premier cirque construit de la sorte.

Comment un tel type de chapiteau peut-il tenir debout ?

Les cirques traditionnels ont des mats intérieurs. Nous, on a fait des arches extérieures, qui passent par-dessus le chapiteau ; chaque arche fait cent mètres de long. Il faut cinq semaines pour installer ce chapiteau.  Les arches sont découpées en morceaux de douze mètres. Il faut des grues pour installer tout ça.  Puis on monte le toit ; on le tend pour qu’il n’y ait pas de prises au vent. Et on monte les gradins et tous les décors. C’est une véritable construction à chaque fois.

« Tout le monde fait la prière ensemble »

Comment est né le spectacle « Cirkafrika 2 » ?

C’est en 2002, que ma famille m’a emmené aux Etats-Unis, voir un cirque communautaire, fondé par des Noirs et réalisé par des Noirs.  J’ai ressenti une émotion très particulière. Ensuite, je suis parti en Afrique.  J’ai rencontré un artiste burkinabé, Winston, qui est clown. Avec lui, on a fait le premier Cirkafrika en 2012.  J’avais passé du temps à étudier le cirque africain ; j’ai découvert une culture incroyable.  Je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse un deuxième ; c’est celui qui est proposé aujourd’hui.  Il y a là des artistes d’Afrique du Sud, de Côte d’Ivoire, de Tanzanie, d’Ethiopie, etc. L’Afrique francophone est représentée tout comme l’Afrique anglophone.  Plusieurs religions sont représentées, et tout le monde fait la prière ensemble avant le spectacle.  Tout le monde se prend la main, en même temps.  C’est très fraternel, comme une chaîne d’union.

On dit que ce spectacle se situe entre la comédie musicale et le spectacle de cirque. Vos goûts vous conduisent-ils à préférer l’un des deux genres ?

Justement, là où je me sens le mieux, c’est quand il y a plusieurs genres.  C’est pour ça que j’ai monté ce spectacle ; il y a un orchestre en live, des chanteurs, des numéros de cirque. C’est un spectacle complet même si ça reste un spectacle de cirque avec d’autres formes de spectacles, de cultures et d’arts de façon à les mettre en valeur.  Le chapiteau sans mats permet de pratiquer des spectacles différents. Préalablement, j’avais fait un spectacle en 3D ; une abeille venait présenter les numéros à un mètre des spectateurs.

« Le cirque est pour moi, une forme artistique idéale, celle de tous les possibles », dites-vous souvent. Pourquoi ?

Parce que le cirque réunit des artistes au talent extraordinaire qui permet de réaliser énormément de choses. On trouve par exemple des danses tribales ; elles sont très visuelles. Elles s’adaptent bien à l’esprit du cirque. Un cirque inter générationnel, inter culturel. Cela permet d’évoluer dans un monde culturel beaucoup plus large.

La musique et la danse sont très importantes dans ce spectacle. Vos goûts personnels vous conduisent vers quels genres, quels styles ?

    Mes goûts sont très éclectiques. Je vais aux concerts ; j’aime le rap, la musique populaire. D’où l’instant où c’est bon, j’adhère.

Le balafon, instrument originaire d’Afrique occidentale, est très présent dans la présente création. Pourquoi ?

   Le balafon est un instrument artisanal constitué notamment de lames de bois, de petits pots de terre ; on utilise un petit maillet.  Quand j’ai découvert cet instrument, je me suis dit, il faut un faire un orchestre.  Autre instrument africain extraordinaire : la kora.  Il y a aussi la flûte africaine dont on  sort un son très particulier.  L’artiste qui en joue, est capable de chanter en même temps.

On dit que l’histoire du cirque en Afrique est douloureuse. Pourquoi ?

A la fin de l’avant-dernier siècle,  on avait mis les Noirs en cages sur les pistes de cirque.  Il y avait eu aussi l’Exposition universelle… Mais les Africains ne sont pas rancuniers puisque là-bas, le cirque peut être un ascenseur social.  Et il y a des numéros extraordinaires ; le cirque s’est très bien développé en Afrique. Maintenant, en matière de cirque, derrière la Chine et la Russie on trouve l’Afrique ; elle talonne ces deux pays.

Vous êtes un homme de cœur. Vous êtes fondateur de l’association Culture du Cœur. En quoi consistent vos actions ?

 J’ai eu énormément de chance dans ma vie.  Je suis originaire de banlieue (je suis né dans le 93, et j’ai été élevé dans le 94).  C’est bien la réussite, mais il faut qu’elle serve à quelque chose.  Comme j’ai eu beaucoup de chance, je me suis dit qu’il fallait que je le rende à ma façon. L’association Culture du cœur a été créée il y a une douzaine d’années ; nous récupérons des places dans les spectacles pour en faire profiter le public défavorisé. La culture, c’est pour tout le monde ; ça nous permet d’offrir des billets de spectacle aux plus défavorisés. Les autres producteurs de spectacles quand on leur demande des places, ils répondent oui.

Vous avez connu la chanteuse Monique Morelli. Dans quelles circonstances ?

J’étais un jeune débutant ; je n’avais pas grand-chose.  Son mari avait demandé des paroles à Louis Aragon. C’était en 1968. Je me suis occupé de Monique Morelli ; j’ai cherché un éditeur pour cette chanson.  Je n’y connaissais rien ; j’ai rencontré un éditeur qui m’a écouté car les paroles d’Aragon se positionnaient contre l’entrée des chars soviétiques à Prague, ce qui constituait un événement.  J’ai demandé une très forte somme car je le répète, je n’y connaissais rien. Une somme bien au-delà de ce qui se demandait habituellement. L’éditeur en face de moi a accepté.  Aragon a été étonné car il était concerné ; il a dit : « Je veux rencontrer ce jeune homme car on ne m’a jamais payé des droits aussi chers pour une chanson. » C’est comme ça que, grâce à Monique Morelli, j’ai dîné un soir avec Louis Aragon et Elsa Triolet, chez Monique Morelli, à Montmartre.  D’abord, Aragon m’a reçu chez lui, rue de Varenne. Il m’a questionné sur mon parcours.  Ces personnes déjà une aura incroyable.

                                             Propos recueillis par Philippe Lacoche

 

 

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>