On ne devrait jamais quitter Courbevoie

Il pleuvait des cordes, à Courbevoie. Les tours de la Défense faisaient grise mine. Un vent terrible. Mon parapluie ne fit pas un pli. Si, justement, il en fit, et ne résista pas. Plié en deux; moi pas. J’arrivais trempé au Garden, un café chaleureux dans cet univers de béton et de modernisme. C’est là que Pierre Lemaitre m’avait donné rendez-vous pour me parler de son roman Au revoir là-haut (Albin Michel) qui vient de se voir couronner par le Goncourt 2013.Je lis peu les prix littéraires. Pas par manque d’intérêt. Faute de temps. Celui-là, il me fallait le lire car le romancier viendra le dédicacer, mercredi, à 18 heures, à la librairie Martelle, à Amiens. Je l’ai lu, le Goncourt 2013, dévoré plutôt. Un régal de vraie et bonne littérature. Entre Dumas, Emmanuel Bove et Anatole France. Lemaitre nous invite à marcher dans les pas incertains de deux anciens Poilus, Édouard et Albert. Le premier est le fils d’un grand bourgeois. Artiste homosexuel, il est ce qu’il est convenu d’appeler «une gueule cassée». Un éclat d’obus. Défiguré. Broyé. Le second est un modeste employé de banque.Il a été sauvé par Édouard, alors qu’il était enseveli dans un trou d’obus. Enterré vivant. Une amitié sans borne les lie. La guerre les a déglingués. Ils se vengeront en commettant une carambouille incroyable autour du marché des monuments aux morts. Ce roman politiquement incorrect décoiffe. L’argent, les grands bourgeois, les affairistes, les vieilles badernes en prennent pour leur grade. C’est la littérature de haut vol. Superbe. Pierre Lemaitre ressemble un peu à Albert. Le Goncourt ne lui est pas monté à la tête; c’est un modeste. Il pleuvait toujours à seau. On était bien, au chaud, attablés au Garden. Je suis reparti vers la gare du Nord et suis revenu à Amiens pour assister au concert d’Albin de la Simone, à la Comédie de Picardie. Là encore, un grand moment. Albin était heureux de jouer dans sa ville natale. Il nous a gâtés en jouant quasiment sans sonorisation. Presque en acoustique, avec, à ses côtés deux musiciennes géniales: l’une au violon; l’autre au violoncelle. En première partie, Moïraa: Marine, au chant et à la guitare, accompagnée par les excellents Gé (basse guitare) et John (guitare). Des chansons belles et limpides. Des mélodies. Une belle journée, même si je n’ai plus de parapluie.

Dimanche 24 novembre 2013