Le courage exemplaire d’Olga Bancic

    Marie-Florence Ehret nous raconte l’histoire de cette jeune Roumaine, juive, communiste, engagée dans le groupe Manouchian. Emouvant et passionnant.

Quel beau tr

Marie-Florence Ehret : un excellent écrivain; elle est connue en Picardie où elle a animé de nombreux ateliers d'écriture.

Marie-Florence Ehret : un excellent écrivain; elle est connue en Picardie où elle a animé de nombreux ateliers d’écriture.

avail de mémoire ! Quel beau livre ! Un travail de mémoire qu’il est tellement important de réaliser en ces époques troublées où la jungle capitalistique et ultralibérale génère une crise qui appauvrit les plus pauvres et enrichit les plus riches. Crise qui, elle, génère des haines, des replis sur soi-même, des retours à la barbarie, au fanatisme, à l’exclusion, aux racismes divers aux peu ragoûtants relents de peste brune. Oui, il faut se souvenir. C’est exactement ce que fait l’écrivain Marie-Florence Ehret qui se souvient de la dernière lettre qu’Olga Bancic, juive, roumaine et communiste, engagée dans la Résistance auprès du groupe de FTP immigrés de Missak Manouchian, adresse à sa fille Dolorès le 9 mai 1944 : « Ma chère petite fille, mon cher petit amour. Ta mère écrit la dernière lettre, ma chère petite, demain à 6 heures, le 10 mai, je ne serai plus. Mon amour, ne pleure pas, ta mère ne pleure pas non plus… » Arrêtée avec ses camarades de combat, Olga Bancic fut exécutée par les nazis. C’est sa vie que nous conte Marie-Florence Ehret. C’est non seulement passionnant ; c’est émouvant. L’histoire du groupe Manouchian se lit en filigrane : Thomas Elek, ancien élève du lycée Louis-le-Grand, Manouchian lui-même, Rino Della Negra, l’un des meilleurs joueurs du Red Star, virulent opposant au fascisme, Charles Blaukopf, de Vienne. Ce dernier, blessé au cours d’une opération, préfère se tirer une balle dans la tête à terre plutôt que de parler. Il n’est pas mort. Les nazis le récupèrent, le torturent ; il ne parlera pas. Sera fusillé.

Torturée, Olga le sera également par l’ennemi : « Combien de temps a duré ce premier interrogatoire ? Une heure, trois, dix ? Elle n’a rien dit, presque rien. Elle a fini par reconnaître son adresse « après de nombreuse  réticences », est-il noté dans le procès-verbal. Ce qui veut dire, après nombre de gifles, coups de poing, de pied, de cravaches, de matraque, de ner de bœuf, brûlures de cigarette, de semi-noyade… » L’horreur.

Ce petit livre est exemplaire. Il est augmenté d’un dossier documentaire illustré. Indispensable.

PHILIPPE LACOCHE

Une jeune mère dans la Résistance, Olga Bancic, Marie-Florence Ehret, Oska éditeur, coll. Résistantes, Résistants, Histoire-Société ; 166 p.

Elle embrasse un lépreux et attrape la peste

 « Elle embrasse un lépreux et attrape la peste. » Cette phrase n’est pas de Woody Allen, mais de Gilbert Fillinger, directeur de la Maison de la culture d’Amiens, lors de la présentation de la saison 2015-2016. C’est excellent ! Il a prononcé ce scud fendard, digne de Picabia ou de Desnos, en résumant l’un des spectacles proposés : L’Annonce faite à Marie (les 8 et 9 mars, au grand théâtre), de Paul Claudel dans une mise en scène d’Yves Beaunesne. Je ne sais pas si Paul Claudel disposait de beaucoup d’humour ; si c’est le cas, il a dû bien rire. Je sais que Gilbert en a et qu’il me pardonnera cette dénonciation, non pas faite à Marie, mais à vous, mes délicieuses lectrices qui, depuis 2005, me lisez avec avidité et concupiscence. Gilbert Fillinger n’a pas seulement de l’humour ; il est aussi et surtout un remarquable programmateur. En témoigne ce qu’il donnera à voir, à entendre, à sentir, à rêver tout au long de la prochaine saiso

Gilbert Fillinger, après la présentation de la saison 2015-2016.

Gilbert Fillinger, après la présentation de la saison 2015-2016.

n et que ma consoeur Estelle Thiébault vous a révélé par le menu, lectrices vous aussi menues, le mardi 16 juin en page 13 de notre édition d’Amiens. Rien que des spectacles de haute qualité. Normal : la grande dame culturelle de la capitale picarde fête ses cinquante ans puisqu’elle a été ouverte en 1965 et inaugurée par André Malraux le 19 mars 1966. Et dans l’éditorial de la brochure de présentation, l’actuel directeur a bien raison de rendre hommage au tout premier, l’éclairé, passionné et passionnant Philippe Tiry (dont Gilbert nous donne à voir une très belle photographie noir et blanc où Tiry, cigare très Orson Welles, contemple la place de le Maison de la culture), un passeur fraternel, disparu il y a peu. Mes coups de cœur de cette programmation ? Dee Dee Bridgewater & Irvin Mayfield, Light Bird, de Luc Petton qui met en scène des grues de Mandchourie (ces divas sont actuellement en résidence au zoo d’Amiens et dorment, dit-on, dans un grand hôtel du centre-ville ; Gilbert Fillinger précisa que la scène serait équipée d’un filet car elles sont très affectueuses et auraient tendance à venir câliner le public ; il faudra également leur mettre des couches car, parfois, elles n’oublient pas que leurs textes. Ah ! ces artistes !), Trissotin ou Les Femmes Savantes, du grand Molière dans une mise en scène de Macha Makeïeff, la délicieuse Marianne Faithfull  (que je rêverais d’interviewer pour lui demander si ce que Keith Richards raconte dans son autobiographie, au sujet de la promenade qu’il fît dans l’intimité de sa poitrine, est exact), Akhenaton, rappeur d’une intelligence vive, le bouillonnant Cali, Casse-Noisette, du ballet de l’Opéra National Tchaïkovski de Perm (qui me rappelle l’Union soviétique et qui me fait regretter que, jamais de ma pauvre vie, je ne pourrai passer à l’Est), Arno, si belge, si rock’n’roll, Figaro divorce, d’Ödön von Horvath (quel titre sublime ! Après le mariage, Figaro divorce), et tant d’autres choses. Merci, Gilbert Fillinger et à toute l’équipe de la Maison de la culture.

Dimanche 21 juin 2015.